Armée. Non crédible, tout simplement
Sans blague, ils se posent maintenant en "raimandreny" moralisateurs. Ils demandent aux putschistes d'établir une feuille de route qui intègre la réconnaissance internationale et, aux trois mouvances, de ne plus verser dans les manifestations de rue. Mais ils ne font pas sérieux tout simplement. Les responsables de l'armée ont été parmi les auteurs du coup d'Etat qui a basculé le pays dans la situation inextricable où il se trouve. Et qu'est-ce qui leur permet actuellement d'afficher une "supériorité morale " de façade pour lancer un rappel à l'ordre à tous ? Rien, à part leurs armes bien sûr. Tout simplement parce que plus personne ne croit que l'armée est l'ultime rempart contre l'anarchie. C'est ce qu'on croyait. Mais il est tellement évident qu'elle ne peut plus jouer ce noble rôle. Elle s'est discreditée dans ses engagements aux côtés des putschistes. Alors, quand elle parle d'ultimatum, même avec tout le sérieux du monde, on ne peut s'empêcher de trouver ses chefs un peu comediens.
Leur dernière intervention auprès de Andry Rajoelina a tout de même le mérite d'augmenter la pression sur le chef putschiste pour qu'il abandonne son unilatéralisme. Tgv, pour sa part, a déclaré officiellement avoir pris acte de l'exigence des instances de commandement de l'armée tout en souhaitant qu'elles mettent aussi la pression sur les autres, sous-entendu les trois mouvances, pour qu'elles acceptent le consensualisme. Il feint d'oublier que c'est lui qui est sorti des Accords de Maputo et que c'est lui qui tente d'imposer aux autres, en s'appuyant sur le soutien de l'armée, justement, sa "solution". Ce que Andry Rajoelina demande aux trois mouvances, ce n'est ni plus ni moins que de se noyer dans une pléthore de groupuscules acquis, par intérêts, à sa cause et; ainsi, de se contenter de strapontins dans un gouvernement prétendu d'union nationale et au CENI. Tant que les putschistes n'abandonnent pas cette mauvaise foi, ils restent à côté de la notion de consensualisme. Et si, finalement, on parle de nouveau d'une rencontre Andry Rajoelina-Marc Ravalomanana, c'est parce que le faux consensualisme que les putschistes tentaient d'imposer à tous ne marche pas. Alors, il faut que, du côté de Tgv, on arrête de jouer au plus fin. Il faut donner aux mots leurs vrais sens: un consensus doit être un consensus, c'est à dire un accord négocié entre adversaires, et non entre amis, qui tient compte des intérêts des deux parties. Et de même, un gouvernement d'union nationale doit être un vrai gouvernement d'union nationale, c'est à dire une équipe formée sur la base des négociations entre les adversaires. Si le vrai consensus est ce que l'on recherche, il ne revient pas à Tgv de choisir quels ministères il va offrir aux trois mouvances. Et déjà, il ne lui revient pas non plus de désigner de manière unilatérale qui sera le premier ministre.
Pour revenir à l'armée, elle a raté plusieurs occasions de se poser en arbitre sage, soucieux de l'intérêt national. Une première fois, en mars 2009, quand, au lieu de protéger la légalité et les institutions de la République, en premier lieu le Président élu, elle avait choisi de désobéïr pour soutenir des insurgés et participer à leur prise illégale du pouvoir. Et elle ne s'est pas arrêtée à cet acte anti-républicain, elle a ensuite reprimé tous les mouvements de contestation du coup d'Etat. Or, Marc Ravalomanana, acculé à la sortie, à l'instar du Président Tsiranana en 1972, avait tenté de sauvegarder ce qui pouvait l'être des institutions de la République en lui transférant le pouvoir. Elle n'en a pas voulu. Une autre fois, les trois mouvances, au plus fort de la crise, avait tenté en vain de la convaincre de prendre ses responsabilités. Encore une fois, elle a preféré se ranger du côté des putschistes. Alors comment est-ce qu'il faut comprendre l'exigence d'une feuille de route ?
D'abord, c'est juste pour rappeler à Tgv et ses amis, après le limogeage du ministre de la défense, que l'armée est toujours là et qu'elle reste encore une force de persuasion. Ensuite, c'est une tentative très tardive de regagner de la crédibilité auprès de l'opinion en se posant comme autorité soucieuse de l'intérêt national. Mais le mal est fait. Il faudra du temps pour effacer la piteuse image qu'elle a donnée d'elle même.
Si l'armée était neutre, elle aurait été aimée et personne ne souhaiterait sa disparition;
Si elle était moins manipulée, on lui réconnaîtrait grandeur et honneur;
Si elle était moins engagée politiquement, elle gagnerait en respectabilité;
Si elle était moins encline à se servir de ses armes contre les manifestants, elle pourrait être la solution à la crise;
Si elle était partie prenante au développement , on ne sentirait pas qu'elle pèsait aussi lourd au contribuable.