Bernard Kouchner en RDC: la Francafrique négocie pour Tgv
Bernard Kouchner rend visite à Joseph Kabila de la République Démocratique du Congo qui assume actuellement la présidence du SADC. Le sujet de leur entretien n'est pas un secret: Madagascar. On sait que cette organisation et la France ne partagent pas le même avis sur la crise malgache. La position de la France est claire:sans ambiguïté, elle roule pour Rajoelina. Celle du SADC n'est pas moins claire: elle est contre Rajoelina dont le pouvoir est qualifié d'"illégal". Certains de ses membres sont même pour une intervention militaire pour "bouter" les putschistes hors du pouvoir. Manifestement, la France essaie de voir s'il est possible de rétourner cette organisation régionale. La République démocratique du Congo, anciennement Congo Belge, est un pays francophone. Du côté du Quai d'Orsay, on voit sûrement d'un bon oeil l'accession de Joseph Kabila à la présidence du SADC. C'est le moment où jamais de tenter de rendre l'organisation moins rigide dans sa position contre Andry Rajoelina. L'objectif, sûrement, est de retourner le président congolais et de le convaincre de rallier les autres pays membres à la cause francafrique. Car il ne faut pas se leurrer, ce réseau est encore bien vivant. Pour s'en convaincre, il suffit de se rendre sur les sites de certaines associations qui, justement, luttent contre la collusion entre les dirigeants politiques français et les dictateurs africains pour le maintien du pré carré français. "Survie" est une de ces associations.
Olivier Thimonier, secrétaire général de "Survie", dans la dernière livraison d'"Alternatives Economiques" (mois de janvier), dans une interview, affirme, entre autres, que "depuis le général de Gaulle, la politique africaine de la France se dessine au sein de l'Elysée en lien avec des conseillers officieux. En outre, depuis qu'Alain Joyandet est devenu secrétaire d'Etat à la coopération en juin, nous assistons à un retour sans complexe de la Francafrique". L'intéressé cite deux exemples à l'appui de sa déclaration: l'accession de Ali Bongo à la présidence du Gabon et la prolongation de trois ans du mandat du président au Niger.
- Quand Ali Bongo succède à son père Omar à la présidence gabonaise après des élections frauduleuses en septembre (2009), la France, qui a d'importants intérêts dans le secteur pétrolier au Gabon avec Total, ne proteste pas.
-Quand en décembre (2009), Mamadou Tandja, président du Niger, change la Constitution pour prolonger son mandat de trois ans, l'Union Européenne suspend sa coopération avec cet Etat, mais pas la France. Or, l'entreprise française Areva exploite des mines d'uranium au Niger, dans des conditions écologiques que "Survie" dénonce avec d'autres au sein du collectif "Areva ne fera pas la loi au Niger". "Survie" exige davantage de transparence dans la diplomatie africaine de la France et milite pour des conditionnalités politiques de l'aide (respect des droits de l'homme et de l'Etat de droit), afin qu'elle ne bénéficie plus à des régimes illégaux.
"A FRENCH COUP"
Sur le cas malgache en particulier, Raphaël de Benito, un journaliste, sur le site de l'association, relève l'ambiguïté de la position de la France. " Il faut dire que la position de la France vis-à-vis du putschiste Rajoelina est plus qu’ambiguë. Depuis le début de cette crise, la France, qui officiellement ne reconnaît pas un pouvoir mis en place par un coup d’Etat, semble néanmoins multiplier les efforts pour appuyer, de manière à peine déguisée, Andry Rajoelina. La décision française de poursuivre ses programmes de coopération, y compris militaire, se trouve en porte-à-faux avec la position plus sévère de l’Union européenne". Fin observateur, les démarches de l'ambassadeur de France à Madagascar, Jean Marc Châtaignier, ne lui échappent pas. Bien sûr, comme tous les observateurs, il note que la France use de toute son influence au sein du GIC. Il a trouvé, à raison, que la réunion du GIC à Tana en octobre, annoncée comme une évaluation de la situation, a tourné en une séance marathon pour imposer comme un « schéma consensuel » défendu par la France et l’UA du gabonais Jean Ping : Andry Rajoelina, pour la présidence, Eugène Mangalaza, fidèle de l’ex-président françafricain Didier Ratsiraka comme Premier ministre. Il rapporte ensuite une indiscrétion: d’après un diplomate présent, l’ambassadeur français aurait même été agressif vis-à-vis d’un homologue européen qui défendait une autre option". Il rappelle ce que tous ont constaté: "A l’issue de cette très longue réunion, les médiateurs internationaux ont même outrepassé leurs prérogatives en annonçant publiquement et prématurément un accord qui n’était en fait qu’au stade de propositions. Les mêmes médiateurs avaient bafoué le principe de neutralité en laissant entendre que cet accord serait signé avec ou sans Ravalomanana. Un empressement suspect qui provoque une belle cacophonie diplomatique et qui vient semer encore davantage le trouble dans une situation déjà confuse et explosive".
Cet activisme diplomatique français n'a échappé à personne. Et Raphaël de Benito, à ce propos, rapporte la reflexion d'un diplomate européen à l'issue de la réunion du GIC: "a french coup" ( un coup d'Etat français). Marc Ravalomanana, lui aussi,en est convaincu. On se rappelle que dans une interview accordée au "Monde", que le journaliste de "Survie" rappelle également, il a déclaré: « Le coup d’Etat à Madagascar était bien étudié et bien orchestré. En trois mois, c’était fait ! Moi-même, j’ai été surpris. Je ne dis pas que la France a tout organisé, mais il y avait des Français derrière cela. Les services de renseignement sud-africains, ici, me l’ont dit. ».
KOUCHNER N'AURA PAS LA TACHE FACILE
Y a-t-il une chance pour que Bernard Kouchner réussisse dans sa tentative de rendre le SADC moins hostile aux putschistes malgaches ?
Un pays africain comme la RDC, embourbée dans des difficultés énormes, est influençable. Tout dépendra des offres que la France mettra dans la balance. Amener Joseph Kabila à être plus magnanime à l'endroit des putschistes malgaches n'est pas une mission impossible pour le ministre français. Mais le risque, pour le président congolais, est l'isolement au sein du SADC. Les autres membres trouveront louche un brusque révirement. Or, Joseph Kabila a bésoin de soutien extérieur dans l'exercice de ses fonctions. Tout simplement parce qu'il fait face à une rebellion armée dans certaines parties de son territoire. Si cette rebellion est contenue, c'est grâce à une Force multinationale africaine. Or cette force multinationale vient de l'Union Africaine qui, rappelons-le, a voté à l'unanimité les résolutions contre Andry Rajoelina et sa hat. Joseph Kabila a ainsi intérêt à entretenir de bonnes relations avec ses voisins. C'est capital pour l' intégrité territoriale mais aussi pour l' économie de son pays (gépgraphiquement vaste, potentiellement riche mais pauvre comme Madagascar). Il est obligé de prendre en compte toutes ces données avant d'accepter une quelconque proposition de la France. D'où Bernard Kouchner n'aura pas la tâche facile. Ceci étant, il n'est plus possible de revenir sur les résolutions contre le pouvoir illégal malgache. L'enjeu des négociations n'est autre que les sanctions. Wait and see !
Olivier Thimonier, secrétaire général de "Survie", dans la dernière livraison d'"Alternatives Economiques" (mois de janvier), dans une interview, affirme, entre autres, que "depuis le général de Gaulle, la politique africaine de la France se dessine au sein de l'Elysée en lien avec des conseillers officieux. En outre, depuis qu'Alain Joyandet est devenu secrétaire d'Etat à la coopération en juin, nous assistons à un retour sans complexe de la Francafrique". L'intéressé cite deux exemples à l'appui de sa déclaration: l'accession de Ali Bongo à la présidence du Gabon et la prolongation de trois ans du mandat du président au Niger.
- Quand Ali Bongo succède à son père Omar à la présidence gabonaise après des élections frauduleuses en septembre (2009), la France, qui a d'importants intérêts dans le secteur pétrolier au Gabon avec Total, ne proteste pas.
-Quand en décembre (2009), Mamadou Tandja, président du Niger, change la Constitution pour prolonger son mandat de trois ans, l'Union Européenne suspend sa coopération avec cet Etat, mais pas la France. Or, l'entreprise française Areva exploite des mines d'uranium au Niger, dans des conditions écologiques que "Survie" dénonce avec d'autres au sein du collectif "Areva ne fera pas la loi au Niger". "Survie" exige davantage de transparence dans la diplomatie africaine de la France et milite pour des conditionnalités politiques de l'aide (respect des droits de l'homme et de l'Etat de droit), afin qu'elle ne bénéficie plus à des régimes illégaux.
"A FRENCH COUP"
Sur le cas malgache en particulier, Raphaël de Benito, un journaliste, sur le site de l'association, relève l'ambiguïté de la position de la France. " Il faut dire que la position de la France vis-à-vis du putschiste Rajoelina est plus qu’ambiguë. Depuis le début de cette crise, la France, qui officiellement ne reconnaît pas un pouvoir mis en place par un coup d’Etat, semble néanmoins multiplier les efforts pour appuyer, de manière à peine déguisée, Andry Rajoelina. La décision française de poursuivre ses programmes de coopération, y compris militaire, se trouve en porte-à-faux avec la position plus sévère de l’Union européenne". Fin observateur, les démarches de l'ambassadeur de France à Madagascar, Jean Marc Châtaignier, ne lui échappent pas. Bien sûr, comme tous les observateurs, il note que la France use de toute son influence au sein du GIC. Il a trouvé, à raison, que la réunion du GIC à Tana en octobre, annoncée comme une évaluation de la situation, a tourné en une séance marathon pour imposer comme un « schéma consensuel » défendu par la France et l’UA du gabonais Jean Ping : Andry Rajoelina, pour la présidence, Eugène Mangalaza, fidèle de l’ex-président françafricain Didier Ratsiraka comme Premier ministre. Il rapporte ensuite une indiscrétion: d’après un diplomate présent, l’ambassadeur français aurait même été agressif vis-à-vis d’un homologue européen qui défendait une autre option". Il rappelle ce que tous ont constaté: "A l’issue de cette très longue réunion, les médiateurs internationaux ont même outrepassé leurs prérogatives en annonçant publiquement et prématurément un accord qui n’était en fait qu’au stade de propositions. Les mêmes médiateurs avaient bafoué le principe de neutralité en laissant entendre que cet accord serait signé avec ou sans Ravalomanana. Un empressement suspect qui provoque une belle cacophonie diplomatique et qui vient semer encore davantage le trouble dans une situation déjà confuse et explosive".
Cet activisme diplomatique français n'a échappé à personne. Et Raphaël de Benito, à ce propos, rapporte la reflexion d'un diplomate européen à l'issue de la réunion du GIC: "a french coup" ( un coup d'Etat français). Marc Ravalomanana, lui aussi,en est convaincu. On se rappelle que dans une interview accordée au "Monde", que le journaliste de "Survie" rappelle également, il a déclaré: « Le coup d’Etat à Madagascar était bien étudié et bien orchestré. En trois mois, c’était fait ! Moi-même, j’ai été surpris. Je ne dis pas que la France a tout organisé, mais il y avait des Français derrière cela. Les services de renseignement sud-africains, ici, me l’ont dit. ».
KOUCHNER N'AURA PAS LA TACHE FACILE
Y a-t-il une chance pour que Bernard Kouchner réussisse dans sa tentative de rendre le SADC moins hostile aux putschistes malgaches ?
Un pays africain comme la RDC, embourbée dans des difficultés énormes, est influençable. Tout dépendra des offres que la France mettra dans la balance. Amener Joseph Kabila à être plus magnanime à l'endroit des putschistes malgaches n'est pas une mission impossible pour le ministre français. Mais le risque, pour le président congolais, est l'isolement au sein du SADC. Les autres membres trouveront louche un brusque révirement. Or, Joseph Kabila a bésoin de soutien extérieur dans l'exercice de ses fonctions. Tout simplement parce qu'il fait face à une rebellion armée dans certaines parties de son territoire. Si cette rebellion est contenue, c'est grâce à une Force multinationale africaine. Or cette force multinationale vient de l'Union Africaine qui, rappelons-le, a voté à l'unanimité les résolutions contre Andry Rajoelina et sa hat. Joseph Kabila a ainsi intérêt à entretenir de bonnes relations avec ses voisins. C'est capital pour l' intégrité territoriale mais aussi pour l' économie de son pays (gépgraphiquement vaste, potentiellement riche mais pauvre comme Madagascar). Il est obligé de prendre en compte toutes ces données avant d'accepter une quelconque proposition de la France. D'où Bernard Kouchner n'aura pas la tâche facile. Ceci étant, il n'est plus possible de revenir sur les résolutions contre le pouvoir illégal malgache. L'enjeu des négociations n'est autre que les sanctions. Wait and see !